Les dernières toiles de Sophie Hieronimy exposées au Centre d’art Contemporain Aponia font cohabiter sujets et objets sans nous donner le moyen de déterminer la fonction de chacun. Les effets de brouillages sont entretenus par une matière rose qui se répand entre des épaisseurs. La peinture laisse échapper une sensation de moiteur rendue presque agréable par le jeu des motifs ( pois, rayures…) posés à la limite du décoratif. Des nouvelles nappes sont soudainement mises en question, elles se trouvent traversées par ces étranges pointillés qui séparent les unités et agissent comme autant d’artifices spatialisés.
L’exercice auquel on assiste s’apparente bien à un enchaînement des signifiants. Les objets-mots et les sujets-sens circulent entre les masses flottantes, ils se succèdent et se déploient ensemble pour former le langage. Ils annoncent un sujet à la parole pleine.
Les points de passage entre les épaisseurs de la peinture ne sont pas produits pour l’accumulation.
Même si le risque de répétition syncopée subsiste, on aboutit toujours à un point d’attache singulier qui amorce le rebond vers ce qui nous réunit autour d’une "inquiétante étrangeté" ou d’un éclat de rire.
Sophie Hieronimy a remplacé la crainte d’un point de vue unique par les craintes innombrables de la répétition. Le tissage obtenu de l’aller retour entre singularité et pluralité réveille une saveur douce amère, il permet d’évacuer fermement mais sans gravité le trop de paroles bavardages.
Réda Otmanetelba, 2009