« Fracas, refaire et le plier »
Aventures imaginaires collectives dans tous les sens…et inversement !
C’est sous ce titre qu’Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel, tous artistes peintres ou vidéastes et cinéastes, sculpteurs ou/et dessinateurs, créateurs d’environnements ou/et performeurs souhaitent exposer, partager et amicalement confronter leur sens de la fiction. Pour conforter allusivement leurs visions plasticiennes, naturelles et cultivées du thème énoncé avec une part d’imaginaire indiscutable, ils ont choisi l’énergie de mises en jeu qui le traversent en lui associant certaines perspectives oniriques de l’œuvre de Robert Coutelas, artiste peintre féru de poésie et de cosmologie. Décédé en 1985, Coutelas est arbitrairement confiné à l’univers des « Singuliers de l’Art »*, formule admise (et plaisante) pour parler d’œuvres et d’artistes aussi confusément associés à l’art brut qu’à celui des fous. Bien que sensible aux multiples chemins déviants qui semblent animer Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel, j’avoue trouver mystérieuse cette présence dans l’exposition qui s’esquisse sous le titre « Fracas, refaire et le plier », tant leurs conceptions du travail créatif semblent différentes du travail de Coutelas. Sauf à leur reconnaître des liens entre enjeu et mise en jeu — qu’ils définissent par « le playing » — et que ces liens soient sérieux ou ludiques (voire les deux)… ou les quatre, puisqu’ils sont quatre artistes pour ce projet.
Des interprétations intuitives et des aventures spécifiques activent en creux chaque terme de « fracas, refaire et le plier ». Elles rendent flexibles des idées de travail, d’attitudes et d’enjeux à explorer « in process », faisant que les mots peuvent s’illustrer aussi bien séparément qu’en synergie. On les conçoit comme des ententes et des complicités implicites aussi sagaces qu’opportunistes et spectaculaires. On les retient pour ce qu’ils préjugent de découvertes que d’acquis culturels. On les juge pour ce qu’ils incitent à questionner. On s’en amuse aussi à la faveur d’associations d’idées et de carambolages arbitraires qu’ils peuvent susciter.
Pour y répondre, les œuvres que les quatre artistes prévoient d’exposer compteront autant avec la fiction narrative qu’avec des dérapages ou bien un imprévu — toutes choses dont Robert Coutelas était à sa façon un usager habituel — d’où l’idée, qu’ils préfèrent tous les quatre, de remplacer « jeu » par « playing » jugé plus « actionnant » et processuel, voire actuel. Les correspondances avec l’œuvre de Coutelas trouvent à ce propos une forme vive et plus intime de s’illustrer par l’approfondissement en évitant de se réduire à une vision trop globale, voire à un titre exagérément explicite… Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel comptent sur ce point engager la transparence d’expérimentations qui ne se dissimulent pas d’être aussi ambitieuses et justifiées qu’intuitives et décontractées. Dès lors, l’intitulé de l’exposition devient par lui-même « le » jeu qui annonce virtuellement des œuvres pouvant fonctionner en groupes, séparées et de façon interactive. Il s’agit d’intéresser le spectateur sur des paradigmes créatifs : (re)découvrir des cheminements, (re)définir les aléas d’une interprétation comme ceux d’une réinterprétation.
Ce titre indique encore allusivement que les mots traduisent également des valeurs plus plastiques, potentiellement plus tactiles qu’abstraites ou éloignées de correspondances purement sensibles. « Fracas » présume un indiscutable volume sonore, ou des rythmes associés à des résonnances. Avec « refaire », voir simplement « faire » se déploient des histoires visionnaires et mémorielles où, peut-être, cheminent des idées de réinvention et de reprise, des séquences immédiates et des projets d’anticipation. A travers « refaire » se profile peut-être l’art tel qu’il vit. Quant au sens de « plier », peut-être faut-il le lier à son contraire, le dépliage, pour exprimer par des mouvements progressifs des instants au cours desquels il se déploie en superficie, en formes géométriques planes ou spatiales, en volumes acquis et imaginés, en strates et en plateaux fantasques et transversaux. Il faut en somme que les fictions bizarres portées par « Fracas, refaire et le plier » s’entendent à l’aune de l’humour joyeusement artistique et jubilatoire de ses inspirateurs.
A quoi et en écho de quoi, chaque artiste et chaque œuvre justifient la curiosité d’interprétations aussi soudaines et préparées que des élans d’imagination spéculative et toute forme d’hybridation plastique. Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel tout comme Robert Coutelas ont en effet comme spécialité de soigneusement éviter d’être des peintres abstraits. Leurs productions (comme leurs démarches) ont pour caractéristiques d’être « un peu figuratives et référencées », pas tout à fait descriptibles tout en naviguant entre « playing » et enjeu, d’être « à deviner » autant qu’à remarquer, comme quand on découvre par inadvertance et surprise la richesse d’un monde autre. Pour mieux signifier qu’ils n’emploient la réalité qu’en partie, ils n’en utilisent que des aspects accidentels ou fantasmés, l’important étant que « ça déraille". On devine qu’avec l’exposition, les murs, le sol et toutes les formes sensibles d’espaces pourront être socle et tremplin.
Les œuvres justement, imaginons-les encore. A ce jour, nombres d’entre elles ne sont pas complètement réalisées. Certaines seront des productions in situ ; l’exposition encore dans ses nimbes évolue comme une création à part entière, parallèle aux œuvres. Il faut partout mêler le visiteur à sa scénarisation, l’inviter à un « Que percevez-vous », ou un « Et si c’était… ?» ou quelque chose comme « si ça avait été…? » On devine qu’Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel se préparent tous quatre à « retourner » le Centre d’art Aponia, pour présumer ce que leurs devoirs d’inventeurs de formes entraînent. Performeurs par leur pratique même, ils se comprennent en étant plus que peintres, plus que sculpteurs, davantage que dessinateurs, cinéastes ou vidéastes. Ce sont en définitive des décentreurs d’images, des ouvreurs d’interprétations qui entendent autant transmettre des émotions que fomenter des visions. Leurs productions se rejoignent là où chaque pratique à la fois mobilisée et vacillante dans son autonomie s’active sur leurs espérances communes. Chacun va risquer des œuvres entre vision et iconologie, entre propositions déconnectées ou expressionnistes. Si c’est de sculpture qu’il s’agit, c’est pour oser parler d’images(s), si c’est de peinture, c’est pour tenter des contrées hors limites et des histoires sans fin. Un dessin est prévu, ils l’emmêlent de codes spécifiques de la peinture ou de films d’animations, de pratiques de détournements et d’illustrations arbitraires empruntées au Surréalisme ou à la littérature fantastique et aux manga…
Pas de mystère…si on peut dire ! Cette nouvelle exposition au Centre d’Art Contemporain Aponia sera sonore parce qu’imprévisible. Il y aura du « (re)faire » au sens de pratiques innovantes autant que cultivées. Avec son implicite dose de malice, le plier fera penser que les œuvres vont susciter chez les visiteurs des questions de référents, de dérives, de décloisonnements créatifs. Olivier Passieux va montrer ce qu’il entend par peinture et tableau expressifs, ce par quoi, dans l’image et la figure, bascule une fiction intérieure vs toujours singulière de l’art, Bertrand Dezoteux présentera ses films d’animation avec leurs environnements de bandes dessinées et leurs créatures naturelles, fantastiques ou anthropomorphiques, leur esthétique aux échos de story-board, suscitant toujours un regard réflexif du spectateur. Romain Sein s’apprête une fois de plus à expérimenter des rapprochements du sens de l’illustration avec les creux d’un dessin forgé au risque d’une expression individuelle intensément plastique, Grégory Cuquel réfléchit en sculpteur, pour développer des sculptures/installations dont les éléments et la composition imaginaire et in situ va jouer avec l’opportunité et les circonstances de leur lieu de trouvaille, Robert Coutelas témoignera mémoriellement et à postériori de ses rapports avec un art d’auteur fortifié par le jeu vs le playing, tout à la fois très technique et très aléatoire…purement visionnaire ?
A travers « Fracas, refaire et le plier », les recherches de décodage artistique engagées par Olivier Passieux, Bertrand Dezoteux, Romain Sein et Grégory Cuquel, et avec amitié pour l’œuvre de Robert Coutelas, entraînent la créativité dans ses mouvements naturels de saisies et d’interprétations. Rien d’étonnant qu’artistiquement, leurs productions expriment autant de recherches de créations visuelles que d’expressions d’auteurs.
Alain Bouaziz, mars 2017
* Les « Singuliers de l’art », une exposition qui s’est tenue en 1978 au Musée d’art moderne de la ville de Paris.
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Vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h (en Période d'exposition)
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Entrée libre et gratuite