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Laurence Garnesson
du 08.06 au 07.07.24
Vernissage le
07.06.24
 






 

Valéro Kim
Valéro Kim, Christophe Le Bihan
Embarquements du tactile

Puisse la peinture naître d’un labour, d’une trituration, d’un contact direct avec la matière, ne pas venir uniquement d’un dépôt. Dans ces perspectives, le prétexte ou l’écho d’écrasements, de levées, de malaxages, d’étalements de matériaux font signes. Le sujet est un objet en partie “à côté”, tension entre la proximité relative d’une expressivité visuelle et l’autonomie revendiquée d’un thème. La place accordée à l’impact de la matière a précisément quelque chose d’inattendu dans les oeuvres de Christophe Le Bihan et de Valero-Kim. Les unes semblent tout attendre des puissances d’un matériau, en l’occurrence la peinture pour Le Bihan, les autres, de Valero-Kim, comme un défi devant l’image, arguent d’un engagement préalable. N’était-ce l’interprétation que chaque oeuvre matérielle suggère, en plus des titres conçus pour étonner, on devine des compositions, entre faits et intentions, finement équilibrées. Sur quoi les deux artistes entendent-ils donc que notre regard cède? Sur quoi, en premier, puis en second, et ainsi de suite ? Chacun ira de son parcours personnel. Faut-il que, d’abord sensible à l’anecdote d’un titre, nous cédions devant l’image : son sujet, son look, sa place dans l’histoire de l’art, une médiation sémiologiquement raisonnable. Ou faut-il en second lieu, qu’avec l’aide d’une apparence, on s’attache à son style ? Nervosité tripale de Le Bihan contre affleurements érotiques de Kim. Tous deux semblent ne considérer que le contact avec le matériau. Malgré un laisser-aller faisant que l’aspect des matériaux conserve son aspect naturel, la mise en perspective des deux expériences fait que, si les deux artistes n’apparaissent pas franchement matiéristes comme les titres des oeuvres le suggèrent, d’autres commerces que ceux de l’empreinte ou de l’assemblage opèrent et arguent d’une mise en scène. Les oeuvres sont ainsi confrontées à leurs sens. Chaque tableau paraît virtuel.
Christophe Le Bihan surfe sur une trajectoire gestuelle, Valero Kim nous convie à emprunter un tunnel fantasmatique. Tous deux reprennent subtilement des histoires parallèles, qu’on ne peut lire autrement qu’à travers un lignage esthétique : Kandinsky (1907, première oeuvre officiellement abstraite), Max Ernst, Jean Dubuffet (l’oeuvre naturelle de la matière et du matériau), Jean Fautrier, Willem de Koonig, Eugène Leroy (la force visuelle du tactile). Chaque proposition retrouve ce mouvement d’avancement où l’oeuvre est censée tenir d’une suggestivité judicieusement terre à terre et que l’artiste entend par ailleurs dépasser. Illusion et prétexte à expérimenter picturalement devant l’image. Visions imageantes peut-être toujours au-dessus. Téléologie ? Insistons. Nous avançons confrontés à une investigation renouvelée de ce que la tactilité laisse croire. Christophe Le Bihan pratique le geste spontané, semble chercher à créer des failles sensorielles, Valero Kim paraît manipuler des concepts visuels. Ça ouvre une multitude d’autres questions sensibles. Veulent-ils opposer une sorte d’intuition à la réalité matérielle de l’image ? Non, ils montrent, comme s’ils ne voulaient être vus qu’en tant que peintres. Accepteraient-ils qu’on leur objecte une attirance pour la sculpture ? Il y a une apparence volumique dans le travail de Christophe Le Bihan, une certaine atemporalité de la matière chez Valero-Kim. Ça demande de fonctionner à vue d’oeil et à distance, de près comme de loin. Cependant, les oeuvres regardées de loin font oublier leur texture.
À quelques pas, le toucher est Roi. On songe que c’est à tort qu’on regarde les peintures de loin, de face, ou de près ; “la bonne pente” pour reprendre un propos de Gilles Aillaud, c’est d’adopter un point de vue variable, d’adopter un angle de perception capable d’ouvrir sur un biais. C’est le tableau du regardeur qui compte.
Qu’importe que les tableaux aboutissent à des paysages, qu’ils montrent le visage d’un notable ou d’un proche, d’un inconnu ou celui d’un insecte. Nous sommes devant des spectacles de chair “en l’état”.
Paradoxes et rapprochements des deux pratiques qui s’incarnent en décomposant, qui sont programmées pour concentrer des objectifs et en même temps pour dérouter les regards.
On a évoqué une première cession. Voyons ce que l’éloignement physique du spectateur entraîne. La distance permet de juger ce qui fait le style, quelque chose que chaque artiste a cherché à produire. Ces oeuvres sont deux produits d’un même chaos. Cette optique atemporelle permet à Christophe Le Bihan ou Valero-Kim de rappeler ce que nous sommes, ce que montrer veut dire.
L’étalage pictural des matières livrant aux regards ce qui est matériau brut et ce qui fonde un dépôt, chaque oeuvre réincarne métonymiquement le paradigme d’un monde apparaissant. Christophe Le Bihan et Valero Kim rêvent-ils de regraver chacun à sa façon un sillon pour l’image ?.
Alain Bouaziz, 2008

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